Now it's time to fix all about me...[PV Luka]

Je sentis des mains de chaque côté de mon visage… Je ne voyais rien, mes yeux recouverts d’un épais voile blanc, je me sentais partir dans du coton, et au loin une voix, une voix qui me criait dessus. Comme d’habitude, tout le temps en train de me crier dessus. UN instant ! Cette voix… je la reconnais vaguement. Luka ? Même quand je suis en train de crever, tu ne peux pas t’empêcher de me crier dessus ! Il me demandait quoi ? De le regarder ? Le regarder en train de me crier dessus ? Mais j’en avais assez qu’il me crie dessus ! Laisses moi crever, tu vas voir ce que cela fait de voir quelqu’un mourir alors qu’on fait tout pour l’en empêcher. Qu’on est là 24/24h tout le temps qu’on est là quand c’est lui qui s’effondre, qui est au bout du rouleau. Tu vas voir ce que cela fait d’entendre quelqu’un qu’on veut sauver n’en as plus rien à secouer de vivre !

Le voile doucement se dissipe et se sont des yeux de peur et d’inquiétude qui me regardent, pas les yeux en colère, fous et vides. Non c’est LE Luka qui a refait surface, le médecin de bonne réputation, qui est très doux et très accroché à son travail, celui qui tentera tout jusqu’à la fin pour sauver quelqu’un… Et pour l’instant la personne qu’il essaie de sauver… C’est moi… Je voudrais parler mais le souffle et le son me manque. Alors je finis par le suivre et à l’imiter dans les grandes respirations… Mes yeux accrochés aux siens, comme à une bouée de sauvetage… Des yeux en panique, un océan de peur et de peine et de douleurs étaient à perte de vue… Quand le souffle revint, je n’ai su dire… qu’un reproche… Eh oui… Enfin dans ma tête cela paraissait comme tel.

-Pourquoi… tu veux me sauver… Pourquoi… Tu veux que je vive ?

Hum… Mouais, je ne sais pas si j’ai eu une réponse, je ne m’en rappelle pas… Il me porta dans la salle de bains et ouvrit tout en eau bouillante pour faire ouvrir mes bronches comme dans un sauna. Je n’avais jamais douté de ses talents en médecine. C’était de cet homme-là dont j’étais éprise et que je voulais ramener sur le devant de la scène.

Toujours ses yeux plantés dans les siens et mon visage dans ses mains me forçant à le regarder et à l’imiter, mais putain laisses moi dans mon coin ! Je t’ai rien demandé ! Tu seras bien tranquille après ! Plus d’empêcheuse de tourner en rond, tu seras enfin seul et tu pourras mourir si tu le désires ! Tout en sachant que Magg ne s’en remettra sûrement pas… Mais on s’en fouuuuut !!!

Il devait bien se dire quelque part que je l’avais bien mérité, et j’allais même jusqu’à penser que sa partie obscure devait se demander en cet instant pourquoi il faisait ça, m’aider ! A cause de la vapeur d’eau nos vêtement collaient à la peau, pour ma part faisait apparaître une certaine nudité vu que ma chemise et mon soutif étaient blancs.  Lui aussi, faisait apparaître en filigrane l’homme bien bâti qu’il était, si on omettait les quelques grammes qu’il prenait à cause des alcools et des médocs. Et je me suis mise à tousser… Tousser comme si j’avais une pneumonie… Le truc qui te fiche les chtouilles… Pendant cinq minutes, je n’ai pas arrêté, tordue en deux. Quand cela s’est calmé, je sentais toutes les terminaisons nerveuses de mon corps m’envoyer des signaux de douleurs et je sentais parfaitement mes alvéoles grandes ouvertes, limite s’éventrant entre elles. Je reprenais de nouveau un souffle court mais présent et moins aléatoires. Il esquissa un léger sourire… Je n’allais pas mourir qu’il disait… Merde dommage… Il voulait que je continue… Non je voulais ravoir une quinte et en finir… Vu que l'autre, là... Pour qui je donnerai ma vie pour qu'il vive sans compter... Ne voulait rien entendre, rien savoir, alors à quoi bon, lui qui pourtant semblait ne rien avoir à foutre de moi...

- Pas mourir… Tu rigoles… Tu serais bien tranquille… et débarrassé comme ça !

Fis-je sur un ton limite détaché de tout sentiment. Je m’en foutais… Et je comprenais pas pourquoi il s’évertuait d’aider quelqu’un qui allait lui recasser les burnes juste après… j’allais avoir le droit à quelques heures au lit et à avaler des trucs chauds… Papa serait là, il m’aurait servi une décoction d’eucalyptus et de marron d’Inde, le débouche-WC le plus efficace pour les muqueuses pulmonaires. Mais papa n’était pas là… Et j’étais face à l’homme que j’aimais et qui me haïssait parce qu’il ne comprenait pas pourquoi je m’évertuais… A le maintenir en vie…

- A croire… Que tu veux que je vive, autant que moi je le veux… Pour toi…

Le masque à oxygène serait tellement indiqué dans mon cas... Saturé à 80% ou 100%...Je me sentais repartir, mais cette fois dans le noir, d’épuisement sans doute, je luttais autant que je pouvais…

La même raison ? En était-il si sûr ? Moi c’était par amour que j’étais restée, que je me battais pour qu’il vive. Il ne m’aimait pas, il pouvait commencer juste à m’apprécier, mais cela encore tenait de la science-fiction. Qui aurait-il à emmerder si je partais ? Bah lui-même déjà… Et puis il aurait une mort sur la conscience, et il était parfaitement au courant qu’actuellement il n’avait pas besoin de cela en plus que ses démons intérieurs que j’étais bien décidée à chasser.

L’eau chaude, bouillante, la vapeur d’eau qui était censée m’aider un peu mieux. Oui cela m’aidait mais au bout d’un moment je n’arrivais plus à rien et doucement je me sentais glisser. J’ai entendu très vaguement sa voix m’appeler, mais pour moi c’était un murmure, puis plus rien…

Etais-je morte ? Ou en train de mourir ? Je ne sens plus rien… Je ne vois rien, je n’entends rien. Je me sens dans le noir complet et malgré la chaleur qu’il faisait dans la salle de bains, j’avais froid. Je devais être vraiment épuisée. On se ressemblait lui et moi, on ne tombait uniquement que lorsqu’on en pouvait vraiment plus, qu’on avait épuisé toutes nos ressources.

Le temps me paraissait si long, ou alors il passait très vite. Je sentais de temps à autres, quelque chose me donner des impulsions d’air et c’est vrai que cela m’aidait à respirer. J’avais tantôt froid, tantôt chaud. Tantôt je respirais fort, tantôt je respirais tellement faiblement qu’on aurait pu penser que ma respiration était inexistante. Les heures doivent passer je n’ai plus aucune notion du temps qui passe. Encore des impulsions d’air. J’ai l’impression que le voile noir se lève petit à petit…

J’entends vaguement une voix s’excuser… Qu’il était désolé… Qu’il avait été trop rude… Je ne sais pas d’où venait cette voix, mais j’avais l’impression de la connaître… Les heures passent encore certainement avant que j’arrive à ordonner à ma main de bouger… Je sentais un souffle sur la paume de ma main, et j’ai fini par la faire atterrir dans des cheveux… Je les ai doucement caressé, mais cela me demandait une force surhumaine pour faire bouger mes doigts qui étaient comme endoloris…

-Luka…

Allez, maintenant on ouvre les yeux… Allez ma vieille ! Allez ouvres tes yeux bleus, fais le pour ton beau Croate, allez ma grande ! Durant tes voyages, tu as vu des gens qui se sont plus que surpassés, des Chamans, des guerriers, des Yogi… Allez !!! Ouvres ces putains d’yeux !

Mes yeux s’ouvrent doucement, je les referme, le peu de lumière de la pièce suffise à m’aveugler. Je suis dans un lit… Première nouvelle. J’ai une chemise plus grande que moi ! Oh putain ! Cela veut dire qu’il m’a… changé…. Pour éviter que j’attrape du mal… Je rougis malgré moi en gardant les yeux fermés et enfin j’ouvre les yeux à moitiés. Je vois encore très mal, mais suffisamment pour voir qu’il est près de moi… Tout près de moi. Je souris doucement, et je continue de caresser tendrement ses cheveux. Il m’avait veillé, toute la nuit… Il était resté près de moi alors qu’il aurait pu m’abandonner à mon triste sort… J’ai une larme qui coule, puis deux, trois…

-Merci… Luka…

Son visage s’illumina d’un sourire. Qu’il était beau quand il faisait ce genre de sourire. Je lui ai rendu, faiblement. Je ne savais plus quel jour on était, même quelle heure il était… Je sais que je me sentais mieux, et que j’étais toujours en vie… Punaise ! Une crise d’asthme comme celle-là ne m’était pas arrivée depuis la forêt amazonienne… J’étais vidée, lessivée… Mais il était là, et il ne m’avait pas fichu à la porte. Il n’avait rien perdu de ses talents, même s’il avait passé longtemps à se dézinguer le cerveau avec des produits psychotropes, et l’alcool. Il écouta ma respiration en fichant son regard dans le mien. Puis le cœur… J’essayais de respirer calmement, même si parfois je continuais à suffoquer un peu, mais rien de bien méchant. J’avais du mal à y croire, il m’avait soigné, il avait pris soin de moi. Il sourit, apparemment j’allais encore échapper à l’hosto ! La ventoline… Beurk, avec mes décoctions d’eucalyptus, j’avais définitivement dit adieu à cette chose affreuse. Mais il m’encourageait du regard, je le laissais faire… Dès que j’allais être en état, j’allais sérieusement m’y remettre aux décoctions d’eucalyptus. J’en avais dans ma sacoche en plus !

Il me maternait, je n’aurai pas été aussi épuisée, que j’aurai balancé une ou deux blagues pourries mais même cela j’en avais plus la force. Il était, comment dire, méconnaissable ! Mais une petite voix me disait de ne pas trop m’y habituer, que dès qu’il allait recommencer ses conneries, bah… Rebelote avec monsieur ronchon !

Il allait falloir que je me repose, il allait me chercher de l’eau… J’ouvris de grands yeux avec un signe positif de la tête. La vache ! Méconnaissable, c’est faible !

A son retour et quand il m’expliqua qu’il avait dû me déshabiller, mon regard a plongé vers les draps, aussi profondément dans le matelas que je pouvais. Laisser les dessous, il manquait plus qu’il les ait enlevés tiens ! Je souris doucement, le rouge montant aux joues…

-Ne… Ne t’en fais pas… Je… je ne sais pas comment te remercier… Tu m’as sauvé la vie… Je… je te suis redevable je pense… Comment je me sens ?.... Question subsidiaire… Comme quelqu’un qui a juste l’impression d’avoir ses poumons et sa cage thoracique dehors… Et comme quelqu’un qui vient de passer à la machine à laver et au sèche-linge en vitesse accélérée…

Je gardais l’humour. Mais j’avais mal partout… Le moindre mouvement je grimaçai. J’étais loin de la chochotte, mais là je dois bien dire que j’avais fait fort…

-Si… Tu dois t’absenter… Tu peux hein… Je peux me garder seule… Mais pas de bétises hein !

Fis-je avec un joli clin d’œil avec un petit sourire. Je pose ma main sur sa joue, et je le remercie à nouveau…

J’ai agi comme n’importe quel docteur le ferait… Mouais, ce n’est pas vraiment la réponse à laquelle j’espérais, mais j’allais devoir m’en contenter quelques temps. Il ricanait bêtement quand je lui ai dit que j’avais l’impression d’être passée en deux cycles violents… Oui, apparemment je pouvais voir les choses comme cela. Il me fit que j’allais être rapidement rétablie, car j’étais forte, bof ! Je n’en avais pas vraiment donné l’impression. Il hésitait à sortir. Mon état avait beau être fragile, je n’allais pas aller bien loin. Mais il voulait tout de même faire quelques courses. J’ai acquiescé avec un léger sourire… Il allait me talonner comme moi avec lui, j’ai ri doucement. Jolie vengeance, il allait pouvoir m’en faire voir des vertes et des pas mûres…

Il se leva, je fus saisie d’un drôle de sentiment… Une inquiétude. Quand il me demanda ce que je voulais, je mis quelques instants à répondre… Je n’ai fait qu’un « ce que tu veux » évasif. J’avais une peur viscérale plus le temps passait. Je ne cessais de regarder l’heure et de me redresser pour essayer d’apercevoir la fenêtre… Je ne sais pas combien de temps j’ai réussi à dormir, à croire que je m’étais épuisée plus vite que prévue. Ce sont des bruits de verres qui me font sursauter et qui me réveillent. Je me lève avec un pied marin très aléatoire. Je tangue, j’ai du mal à tenir debout, et prudemment je descends les escaliers, son peignoir qui traînait sur le fauteuil sur le dos… Plus j’avançais vers le rez- de-chaussée, moins j’étais rassurée ayant peur de reconnaître ces bruits… J’accélère doucement la cadence et je débarque dans la cuisine sur la pointe des pieds… Deux bouteilles cassées et une en cours de vidage… Bordel ! Qu’est ce qu’il avait eu pour être de nouveau en vrac…

-Oh non… Petit loup…

Je me suis approchée et quitte à ce qu’il m’insulte ou qu’il m’angueule, j’ai enlevé les bouteilles et je les ai mise plus loin. Vu son état, se lever sans se casser la gueule n’était même pas en option… Je titubais un peu, mais il fallait que je m’accroche, pour lui… Je me suis approchée de lui quitte à me sentir mal à cause de l’haleine et aussi à cause de son état qui me liquéfiait le cœur… J’ai pris une chaise et je me suis mise devant lui et je pris ses mains… Je les ai portées à mon visage, et j’ai mis les miennes sur son visage.

-Tu l’as vu… Hein…Maggie… Cela t’a achevé… Je suis tellement désolée, j’aurai du t’empêcher de sortir…

Les mains branlantes sur mon visage allaient bientôt sentir des larmes couler. C’était de ma faute, c’était réellement de ma faute, si je lui avais demandé de rester avec moi rien de tout cela serait arrivé…

-Je sais que tu n’as aucune envie que je sois là, et que tu préfèrerais que je te laisse noyer ton chagrin… Mais je ne peux pas… Comme tu n’as pas pu me laisser mourir cette nuit…

Je caresse sa joue, et le flot de mes larmes devient abondant…

-Je sais ce que c’est… d’avoir l’impression, d’être seul au monde, d’être abandonné, que personne nous aime… Que… Personne n’a besoin de nous… Que… Là ou pas là… Ca ne changerait rien… Mais… Luka… Tu n’es pas seul… Non… Même si voir ce bonheur chez elle qu’on t’a pour l’instant refusé… T’a remis encore plus seul et abandonné que tu ne l’étais déjà par le fait qu’elle n’est plus tienne… Tu ne l’es pas…

Je colle mon front contre le sien et je ne le laisse pas y réchapper… Toujours nos mains sur le visage de l’autre, mes larmes coulant sur ses mains…

-Même si actuellement… Plus rien ne compte à part oublier, ne plus souffrir… Boire jusqu’à la mort de l’esprit… TU n’es pas seul, tu m’as moi… Tu m’auras toujours… Je n’ai personne d’autre que toi… Si cela ne comptait pas… Pourquoi m’avoir sauvé et pris soin de moi ?

Je savais que je risquais de me prendre des insultes et des piques, mais mes larmes ne s’arrêtaient pas et je ne le lâchai pas… Je l’ai laissé exploser sa peine ou sa colère, mais vu son état, sa force était moindre. J’ai blotti doucement sa tête contre mon cœur qui battait rapidement, mais pas autant qu’hier…

-Luka… Je comprends ta peine, je comprends ce que tu endures… Je suis là et je resterai là… Tu pourras dire ce que tu voudras, je resterai près de toi… Je ne t’abandonnerai pas… Ce cœur que tu entends, il bat pour toi…

Je caresse ses cheveux, mes larmes dégoulinant le long de mes joues, de ses mains et bientôt sur ses cheveux et son visage… Je devais pleurer toute sa peine, toute sa détresse. Mais aussi ma peur, cette peur de le perdre. Oui il pouvait me rejeter, même mon état de faiblesse, mais je savais qu’au bout d’un moment, sa peine prendrait le dessus et sa méchanceté apparente disparaîtrait pour laisser place à ses larmes à lui… Je le tenais solidement contre moi… Caressant doucement ses cheveux, et en reniflant quand les larmes se sont arrêtées…

-Luka… Nous sommes deux âmes esseulées, abandonnées de tous… Toi par la femme que tu aimais et moi par ma propre famille… Ne m’abandonnes pas toi aussi… Je ne compte pas t’abandonner mon loup… Même si… Tu ne veux pas en entendre parler… Je suis là… Et je resterai là… Près de toi… le temps qu’il faudra… Et rien ni personne… Me séparera de toi… Tu ne comprends pas… Ce n’est pas grave, Tu n’es pas seul et c’est tout ce qui compte…

J’ignore s’il se laisserait aller ou s’il pesterait après moi. Il n’avait plus de force, le mélange d’alcool qu’il avait dû faire le privant de toute force vitale ou brutale. Il était tellement affaibli que j’en avais peur… Pendant de longues minutes, je l’ai gardé contre moi, ne le lâchant sous aucun prétexte. Il pouvait tout dire, tout faire, je ne le relâchai pas… Au bout de ces interminables minutes, j’ai décidé de me séparer doucement de lui… Il semblait dans un état complètement amorphe… J’ai murmuré à son oreille.

-Ptit loup… Il va falloir que tu m’aides un peu… je sais que tu n’as aucune envie de bouger de cette chaise mais… Il va falloir quand même le faire…

Je me suis contentée au final de l’allonger à même le sol. Même s’il n’allait pas être très coopératif, je ne lui en laissais pas trop le choix, car même dans mon état, j’avais plus de force que lui… Pendant un très long moment, je me suis occupée de lui. Je lui ai fait boire de l’eau, je l’ai réchauffé quand il avait froid, et inversement… Je l’ai aussi bien installée que je le pouvais sur le parquet de sa cuisine, avec un petit oreiller de fortune… J’ai régulièrement épongé son visage et le haut de son corps que j’avais laissé paraître en déboutonnant sa chemise… Je m’efforçai de le maintenir conscient jusqu’à ce que son métabolisme, même intoxiqué comme il l’était, fasse tout ressortir dans le seau qui était près de lui. Cela allait lui éclater les tripes, mais il n’y aurait qu’ainsi que l’alcool passerait. Une fois cela fait pour de bon, et à bout de forces, je me suis écroulée d’épuisement sur son torse, ma main dans la sienne, les larmes coulant de plus belle. J'ai pu articulé quelques mots avant que le volume ne baisse doucement...

-J'en peux plus mon loup... J'en peux plus... Je tiens tellement à toi... Je t'en prie... J'ai besoin de toi... Ne te laisses pas mourir... Je t'adore...Tellement...

- Moi… Moi je resterai… Pourquoi tu me croirais ? Pour la simple et bonne raison qu’après tout ce que tu m’as fait subir, en me hurlant dessus, en étant limite méchant exprès et brute… Je suis toujours là… Pas en très bon état… Mais là… Je crois que c’est un bon argument…

Je l’avais regardé dans les yeux, je l’avais vu boire le reste de son scotch d’une traite en me lâchant. Pas un instant j’avais lâché son regard, je l’avais soutenu, même quand lui le baissait. Il se laissa aller quand je le pris dans mes bras. Mes bras tremblaient tellement j’étais faible. Alors il me fallut une force presque surhumaine pour réussir à l’allonger. Je gardais mes yeux dans les siens, ses mains sur mon visage, le temps ralentit, c’est comme s’il n’y avait que nous en cet instant magique.

Quand nous nous sommes allongés, je suis restée contre lui, m’effondrant sur son torse, puis réussissant à bouger contre lui, à me blottir près de lui, sa tête sur mon épaule. Je ne dormais pas, les yeux rivés dans les siens, j’attendais, j’étais sa seule et unique bouée de sauvetage désormais et vu l’aperçu de cette nuit, j’avais quasiment réussi, je ne pouvais pas lâcher le morceau en si bon chemin…

Une larme, puis des torrents intarrissables… Je l’ai regardé si tristement, cela me fendait le cœur, mais enfin, il laissait sortir sa peine…Je nous ai redressé alors qu’il se tournait vers moi et pour pleurer au creux de mon cou… Je l’ai doucement serré dans mes bras. J’ai frotté son dos, tantôt caressé ses cheveux, tantôt déposer des baisers doux sur son front et ses cheveux…

-Ne la retiens plus… Laisses la couler… Je suis là… Tu n’as plus à être seul… Tu m’as moi, et je ne t’abandonnerai jamais… Je n’ai… Que toi… je n’ai pas d’amis… plus de famille… Mes frères sont dispatchés dans des centres d’accueils ou désormais en taule… je n’ai plus personne… A part toi…

Il avait les doigts tétanisés sur la chemise, pleurant et suffoquant presque à cause des sanglots… Je continuais ce que je faisais pour lui signifier ma présence, mon affection et mon soutien. Pour le moment je ne pouvais pas faire grand-chose, il avait juste besoin de moi, ainsi. Juste quelqu’un pour le consoler tandis qu’il allait hurler sa douleur, sa peine et sa détresse… Hurler de douleur sa solitude… Je l’aimais de plus en plus. Même s’il était très vulnérable, même s’il était émotif à fleur de peau… Il était mon Luka, il était l’homme qui voulait prendre soin de moi, me faire la cuisine, et me remonter à bloc pour que je recommence à lui casser les pieds…

Il s’était écroulé de sommeil… Il s’était écroulé de toute cette peine et cette détresse. J’ai veillé toute la nuit malgré mon état. Je le consolais, le serrais plus fort quand il gémissait ou qu’il avait des larmes silencieuses… Quand il se réveilla je vis le regard découragé qu’il avait et il me fit qu’il avait vu Magg avec Donaka… Elle ne serait jamais à lui… Oui peut-être, mais sans lui, elle n’était plus rien et elle se laisserait dépérir.

Il se leva et sans rien dire il balaya toutes les bouteilles du bras de rage, et respirait rapidement, la rage l’étreignait. Je m’approchais doucement en prenant sur moi pour ne pas faillir, j’étais très faible… Il s’en voulait, et il en voulait à Donaka. Il lui avait pris, il avait peur, je pense quelque part. Il était de plus en plus mal et la situation s’inversait. Après la détresse et l’attraction vers le bas, était venu le temps de la rage, de la colère et du désespoir. Mais qui pouvait s’avérer être bien plus destructeur. J’en savais quelque chose, on m’avait volé mes frères, on m’avait séparé de mon père et ma mère était en établissement spécialisée.

Je le vis se prendre la tête dans ses mains voyant des larmes silencieuses couler. Je savais qu’actuellement, il pensait ce qu’il disait. Que personne ne tiendrait à lui, n’en voulait… Et qu’il ne fallait pas dire que moi c’était mon cas… Je l’ai pris par le dos et j’ai réuni mes mains sur son torse en les croisant, mes bras se retrouvant sous ses aisselles. Il allait falloir que je fasse abstraction de la psy. Et que je parle, en tant que femme qui était folle amoureuse de lui…

-Luka, ce que je vois actuellement, c’est l’homme brisé, abandonné, esseulé… Celui qui n’a plus d’espoir et dans le tourbillon de la souffrance et n’y voit aucune lumière…

Je l’ai délicatement retourné et j’ai posé mes mains sur son visage.

-Luka, l’homme qui m’a soigné, et qui continuera à le faire… Car je suis persuadée que si je m’écroule… Tu ne me laisseras pas à mon triste sort… Cela c’est le vrai toi… L’homme que je veux ramener, que je veux sauver de cet homme que tu es maintenant… C’est toi… Peu importe… Qu’en ce moment tu sois si mal en point que tu ne crois plus en personne… Tu as cru en moi… Je crois en toi…

J’ai collé mon front au sien les yeux dans les siens.

-Tu sais… Avec le passif que j’ai… Et le caractère de chien que j’ai… Cela ne surprend plus personne que je sois seule au monde… Sans amis, sans famille… Avec un père absent et une mère… Alcoolique… J’ai plus de trente ans et j’ai jamais eu d’homme de mon plein gré… J’ai jamais été aimé, j’ai jamais… eu quelqu’un dans la peau… Tu me diras que je ne peux pas comprendre alors… mais pourtant… Si tu savais… Comme je comprends…

J’embrasse doucement son nez.

-Qui que tu sois en ce moment… Qui que tu sois plus tard… Cela ne change rien pour moi… Share my life, take me for what I am…'Cause I'll never change all my colours for you.Take my love, I'll never ask for too much, Just all that you are and everything that you do… Don't make me close one more door. I don't wanna hurt anymore. Stay in my arms if you dare, Or must I imagine you there….Don't walk away from me... I have nothing, If I don’t have you…

Je le regardais, tristement, je n’essayais même pas de l’arrêter… Je l’ai suivi de loin dans la cuisine me tenant à tout ce que je pouvais trouver. Il fallait que la douleur sorte, même en vrac et sans soins. Il fallait que cela explose… Quitte à ce qu’il casse tout dans son appartement, ou presque. Mais tant qu’il ne se faisait pas mal, je n’allais pas intervenir… Sauf si je n’en pouvais plus de le voir souffrir comme ça il fallait que je reste pour lui, même sans bouger. D’ailleurs il me demanda de ne pas bouger, et s’en suivit une longue tirade… Il ne voulait qu’elle… Il avait tout raté, il avait tout échoué avec elle… Il pensait pouvoir vivre avec elle mais elle était reparti avec Donaka… Même si je savais qu’ils avaient couché ensembles que deux fois, je le comprenais… Tellement… Moi je ne voulais que lui, et il me rejetait encore, pour le moment, la plaie béante et purulente de son cœur en train de saigner à grandes eaux.

Mon cœur ne fit qu’un tour quand je l’ai vu prendre l’alcool et la boite de comprimés et pas des moindres. Non, il n’allait pas suicider devant moi ! Non il n’allait pas osé ! Tous mais pas cela ! Je préférais millions de fois qu’il se défoule sur moi plutôt qu’il en rajoute déjà sur son corps déjà en triste état… De longues secondes s’écoulèrent avant que ses cris de rage et le bruit du verre cassée violemment me ramène à la réalité, la triste réalité… je tenais bon, je ne bougeais pas… J’ai rassemblé mes mains contre ma poitrine et j’ai appuyé tellement mon cœur me faisait mal… Il se détestait… Il se dégoûtait… Il avait laissé la seule personne à ses yeux qui pouvait le rendre heureux… Il était pour lui le plus naze des mecs, que ce n’était pas un mec bien… Je voulais répliquer… Mais à quoi bon… A quoi bon… Il n’allait pas écouter, il était pris dans sa souffrance… Pour moi, c’était un mec bien, trop abîmé pour le moment pour se rendre compte de mes sentiments, ni même de mon état ou de ma présence qui s’amenuisait…

Mon cœur s’arrête en suspens quand il prend une autre bouteille, celle d’un décontractant musculaire qui pourrait coucher un cheval… Une de mes mains se dirigea vers lui de quelques centimètres, avant de se raviser et de se suspendre dans l’air, tandis que mes lèvres articulaient un « non » déchirant. Mais au final et comme les autres, la bouteille vola dans le miroir à côté de moi. Je me suis protégée comme j’ai pu… Et je me suis accroupie derrière le bar à portée de moi dans la cuisine… J’attendis que sa colère contre l’armoire à bouteille passe. Quand il n’y avait plus de bruits, je me suis redressée, des tessons de verre, des comprimés et du plastique jonchaient le sol de la cuisine. J’étais pieds nus mais j’étais déterminée à le rejoindre. Ce fut les pieds en sang que je suis arrivée à lui en titubant… je me suis écroulée près de lui. Il était à bout, épuisé, tremblant et en larmes… J’ai posé mes mains sur ses épaules et ma tête sur une de ses épaules… Je l’ai entendu dire qu’il était qu’une merde…

Quand il finit par s’asseoir, j’ai aggravé mes blessures aux pieds et je lui ai fait face. J’ai pris son visage dans le mien et je l’ai amené à me regarder, j’avais le même regard que lui… Brisée, perdue, abandonnée… Les larmes coulant abondamment le long de mes joues…

-Arrête… Luka… je t’en prie… Arrête… Je ne peux plus… en entendre d’avantages… T’entendre te descendre d’avantage… Je comprends tellement…

Maintenant même mes genoux étaient en sang. Son visage toujours dans mes mains, je lui ai souri tendrement avec les larmes qui continuaient de tomber le long de mes joues… J’hésitais… Réellement, mais il allait vraiment mal le prendre si je le faisais… Je me retins… Mais je voulais tellement lui montrer qu’il n’était pas seul, que j’étais encore là, que malgré toute la peine, toute la souffrance qu’il avait, toute cette colère qui s’était manifestée en cassant tout ce qui était à portée, la peur que cela ait dû me donner… J’étais encore là… contre vents et marrées, depuis plusieurs mois… J’étais son ombre, son chien de garde, son ange gardien… J’espérais que ce message passait par nos regards… Au final, j’étais la seule à être restée… Même si… Je souffrais comme lui… J’espérais qu’il se rende compte que j’étais toujours restée, même maltraitée…

-Je… Je suis restée moi… Sans personne, sans qu’on me demande rien… Je suis restée… Peu importe qu’on m’ait demandé… Je voulais t’aider bien avant… Je suis là pour toi… Je suis restée pour toi… Pas pour une quelconque promesse… Juste toi… Car même si pour l’instant, c’est à peine si tu veux le voir… Mais Je suis restée… Toujours, je t’ai veillé, je t’ai soigné… Je t’ai soutenu… Jamais je ne t’ai jugé… Jamais je ne t’ai laissé… même quand tu étais à la limite de m’en foutre une… Malgré tout le mal que tu as dit… je suis encore et toujours là… Rejetée, je suis toujours allée vers toi… Jamais je suis restée loin… Je pourrais tout sacrifier… Juste pour toi… Lis dans mes yeux Luka… Tu as du mal à me croire… c’est normal… Mais lis dans mes yeux mon loup… C’est l’unique et stricte vérité… Je n’ai pas l’intention de faire comme tout le monde… car je ne suis pas tout le monde… Je ne suis pas une femme ordinaire… Je suis moi, je suis ma propre marginale… Et si je te promets de rester jusqu’à la fin… Des temps… je le ferai… car… Je n’ai plus que toi…

Mes yeux étaient fichés dans les siens… Je ne voulais pas qu’il bouge… Je voulais qu’il me parle… Qu’il arrive à s’exprimer sans hurlement, sans gestes… Juste poser des mots…

- Tout va bien mon loup… Ca va aller…

Je souriais doucement, même si j’étais à bout physiquement et mentalement… Je voulais lui sourire, encore et toujours. Toujours pour lui. Toujours avec lui, avec ce que je vivais près de lui… Je ne pouvais plus de me passer de lui aussi sombre était-il en ce moment… Il s’excusa à nouveau ne pouvant contempler l’ampleur des dégats. Mes jambes étaient en sang, mais avaient juste des plaies ouvertes aux genoux et aux pieds… Il m’allongea sur le lit, il s’attelait à désinfecter, enlever les bouts de verre et bander.

Je l’ai écouté attentivement. Oui, elle faisait sa vie sans lui, ou presque. Lui n’arrivait pas à le concevoir. C’est vrai que Donaka trempait dans toutes sortes d’affaires, mais j’étais sûre d’une chose, c’est que plus jamais il lui ferait du mal. J’ai écouté, et j’ai souri et j’ai caressé sa joue…

-Si elle voulait vraiment vivre sans toi, elle ne serait pas en train de se remuer pour que tu puisses rapidement reprendre ta place dès que tu iras mieux, elle n’aurait pas persuadé Donaka de mettre un de ses gorilles à planquer pour être sûr que si tu m’échappes quelqu’un d’autre te rattrape… Et surtout, même si j’en avais l’intention avant… Elle ne m’aurait pas demandé de m’occuper de toi…

Je soupire et je reprends, je ne voulais pas enfoncer le clou.

-Donaka est peut-être un malfrat… Mais, jamais il ne lui fera du mal… Et il sait que si Magg te perd… Il la perdra aussi car elle ne s’en remettra pas… c’est elle qui me l’a dit… Encore une fois, crois-moi… Je ne vois pas pourquoi je te raconterai ça si c’était des histoires…

Il termina mes jambes et ses yeux remplis de larmes se fichaient dans les miens. Ha oui je ne pouvais pas ? Il venait de me donner une magnifique perche… Je souriais doucement, il devait se demander pourquoi je souriais… Moi je savais des choses qu’il ignorait… J’ai caressé sa joue et je l’ai empêché de cacher son regard en larmes quand il demandait ce qu’il allait devenir et qu’il n’avait plus rien… Je l’ai forcé à reprendre le contact visuel avec moi. Il n’y avait que comme cela qu’il pouvait entendre et comprendre…

-Luka… Ce que je vois aujourd’hui… N’est pas l’homme que j’ai connu quelques heures… Cet homme -là… Je sais que c’est toi… En face de moi… J’ai sa version en miettes… Brisée, qui ne semble plus avoir d’espoir… Mais… Tu as encore quelque chose… Moi… Car ce que je vois de toi… C’est ton côté obscur, et je n’en ai plus peur… Mieux, je susi prête à l'affronter à ta place... Comme je le fais depuis plusieurs mois... Et je continuerai, jusqu'à ce que tu sois assez fort pour lutter... On luttera ensembles!

Je caresse doucement ses joues pour balayer les larmes, puis ses lèvres.

-Luka… Je suis en mesure de te rendre ton travail… Mais… Pas tout de suite, laisses toi le temps de panser tes blessures… Que je les panse… Vu que pour l’instant tu n’y arrives pas…

Je goûte ses lèvres des miennes, un baiser court, léger comme une plume, mais lourd en significations.

-Ne me dis plus jamais… Que je ne peux pas t’aimer comme je le dis… Considères cela… Comme la première étoile dans tes ténèbres… Une étoile qui n’arrêtera pas de luire… Même quand tu seras rétabli… Que tu auras repris le boulot… Je serais toujours là... Pour toi... où que tu sois, je te ramènerai sur la terre ferme... Même si... Tu crois que ton cas est désespéré... Pour moi, il y aura toujours quelque chose à sauver...

Je garde mes mains sur ses joues et je caresse la peau qui se trouve sous mes pouces, toujours assez proche. Mais je m’éloigne de quelques centimètres…

-Tu peux ne plus croire en toi… Pour l'instant Luka, Mais crois en l’étoile qui vient de se mettre à briller… Considères la comme ton étoile du berger… Qui va te ramener sauf sur la terre ferme...

Ces mots étaient comme les premiers qu’on me disait qui caressaient mes oreilles, comme si c’était la plus belle chose que l’on m’est dite. Il allait redevenir celui d’avant… Enfin ! Mon combat n’avait pas servi à rien ! Enfin le résultat final ! Inutile de vous dire qu’après cela nous n’avons pas faits long feu… J’étais bien, apaisée, ma main sur les cheveux de Luka qui s’était endormi à mes côtés… Pendant la semaine qui suivit, et après avoir récupérée, je le suivais partout, sinon c’est le garde qui le suivait. Nous partagions le même lit, mais en tout bien tout honneur… Mais au moins il récupérait. Je le sentais, il était rassuré de m’avoir près de lui autant que je l’étais… Tantôt il pleurait dans son sommeil et il cauchemardait. Il semblait que lui parler et lui mettre ma main dans la sienne suffisait à le détendre et à lui faire reprendre un sommeil calme… Pendant une semaine… Je n’ai fait que cela mais je le sentais avancer. C’est comme s’il avait eu un déclic ce soir-là… Le baiser avait dû être ce déclic…

Une autre semaine s’écoula, et j’avais repris quelques rendez-vous, le garde me succédant parfaitement. Un matin je ne me suis pas réveillée avant Luka. J’ai posé ma main sur son oreiller, rien… Je me redresse et j’entends la musique qui hurle dans la cuisine. Ha ! Y en a qui doit bien s’amuser. Il devait vouloir me préparer le petit déj. C’est un chou mon loup… Pas encore le mien certes, mais il l’était dans mon cœur.

Je descends prudemment les escaliers, emmitouflée dans mon jogging noir. Je ne pensais pas avoir un tel spectacle… Je m’adosse au chambranle de la porte et je regarde...J’avais un petit sourire en coin amusé. Il jouait les chanteurs maintenant ? Je ricanais silencieusement et enfin il s’aperçut de ma présence… j’ai éclaté de rire, je ne l’avais jamais vu autant gêné ! Ce n’est pas vraiment son concert improvisé qui me fait rire, mais la tête qu’il tirait là tout de suite maintenant…

-Assez pour avoir eu un concert improvisé dans ta cuisine…

Je ricane un peu plus et je fais le tour pour aller devant lui et lorgner sur les crêpes.

-Un vrai petit mitron dit moi… Soit dit en passant…

Je trempe mon doigt dans le pot de sirop d’érable et je nettoie en un coup de lèvres. Je le regarde doucement avec des yeux rieurs, mais tellement heureux.

-Ton accent est réellement adorable… Par contre… Oublies les octaves hautes, je ne veux pas que le peu de verrerie qui reste ici s’écroule...

Je ricane bêtement. Et je tapote sa joue tendrement avant de me faire un café, je souriais, tout le temps. Cette scénette avait fait ma journée… Je nous servis deux tasses de café noir et je suis revenue vers lui et je lui ai tendu la tasse fumante sans sucre, comme il aime… J’avais coupé le feu sous la poêle sans beurre pour éviter qu’elle grille…

Je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire quand il me fit qu’il ne donnerait pas de bonus en représentations… Une odeur, sirop d’érable, mes yeux s’illuminent alors que je fais le tour du comptoir pour me rapprocher de cette odeur sucrée et tellement douce. Je me surprends à imaginer le goût de ses lèvres à lui. Woops ! Doucement ma belle tu es encore trop abîmée pour penser à des folies. J’avais encore la tête qui me tournait alors j’ai eu l’idée de tremper mon index dans le sirop d’érable qui était du sucre concentré en attendant mieux. Je devais avoir l’air d’une gamine, vu le regard attendri qu’il me lança. J’ai encore éclaté de rire quand il me fit suite à ma remarque qu’il éviterait un autre carnage de vaisselle. Je fis oui de la tête avec un large sourire.

Après la tasse de café sous son nez il m’installa à table. Il était temps, je commençais à avoir des fourmis dans les jambes. Si je m’attendais à un tel traitement de faveur après tout ce temps. Des fruits, du bon café, des crêpes au sirop d’érable et même de la crème anglaise. Du fromage de brebis comme dans son pays natal. Eh bien… On peut dire qu’il s’était surpassé. Plus les plats se rajoutaient sur la table, plus j’ouvrais de grands yeux ébahis.

Et voilà que je me faisais un mélange, crème anglaise, sirop d’érable et crêpes. Là j’allais passer pour un goinfre et une gourmande. Je mangeais avec appétit comme si je n’avais pas mangé depuis des siècles. J’ai levé les yeux vers lui quand il me remercia pour tout ce que j’avais fait… j’ai souri en avalant ma bouchée que j’avais encore dans le gosier. Je m’essuie les lèvres.

-Oh euh… De rien… D’autre part, il ne tient qu’à toi que je reste plus longtemps… Tu n’as qu’à me le demander…

Je n’allais pas lui dire que s’il me mettait à la porte, j’allais me retrouver en collocation dans mon propre appartement avec Mark, cela ferait désordre. Maggie lui avait déjà laissé son appartement, qu’elle avait par la suite laissé à son petit frère. Mark avait essayé d’habiter dans son appartement à nouveau, mais les souvenirs l’avaient submergés, de là je lui avais proposé d’habiter chez moi… Je ne détachais pas mes yeux de ceux de Luka, pire, j’ai rosi un peu, même trop en le regardant attendrie.

Trois mois pour enfin arriver au résultat que j’attendais tant. Trois mois où il aura fallu que je sois en danger pour qu’il se réveille enfin. C’est vrai, je l’aimais beaucoup, peut-être trop attachée à cette petite bouille qui n’avait plus affiché un sourire craquant depuis des lustres, trop attachée à un homme malgré mon passif lourd de femme flouée encore et encore et pas de mon plein gré. Mais lui, c’était lui qui se retrouvait à ma place. Trahi, sans but, sans personne qui semble y tenir, il avait plongé… Et je l’avais relevé, je me demandais encore comment j’avais pu développer une telle patience.

-Je sais… Je sais qu’il le faut, j’ai du mal au bout de trois mois, mais… Il faut que tu fasses le reste du chemin seul… Tout en sachant que… Je serais là dans le quart d’heure, en cas de besoin…

Fis-je d’une petite mine triste avec un petit sourire en coin. Bon, j’allais reprendre ma cohabitation avec Mark et après. Je ne pouvais pas m’empêcher d’aider les autres, c’était dans mes gênes. Mark aussi avait besoin de moi. Quand j’étais passée devant chez moi, il avait du coller de l’alu car je voyais rien. Quand il me fit que Donaka et Maggie allait demander un rapport détaillé, j’ai froncé les sourcils. Il ne me décevrait pas, je le savais déjà.

-Euh… Je vais de suite remettre les pendules à l’heure. Je suis en aucun cas sous contrat et cela depuis toujours. Si je t’ai aidé, au début, c’était pour Maggie et aucunement pour Donaka. Je ne dois aucun rapport, rien… Je pouvais te laisser quand je voulais, je n’avais pas de compte à rendre, et encore moins aujourd’hui. J’ai suivi ma propre route, et si je suis restée, ce n’est pour personne d’autre à part toi… Je sais déjà que tu ne me décevras pas et je sais que tu peux y arriver… Mais…

Je prends une gorgée de ma boisson et une bouchée de la crêpe et je dis en plantant à mon tour mon regard dans le sien.

-Si cela peut te filer une carotte pour y arriver… Je suis parfaitement en mesure de te réintégrer et ce sans passer réellement par Weaver. En tant que ta thérapeute officielle, c’est mon rapport et moi seule, qui peut faire en sorte qu’on te réintègre ou qu’on te laisse au placard plus longtemps. Bien sûr mon rapport passera en commission et il se pourrait que tout comme Maggie, tu sois convoqué… Mais nous en sommes pas encore là, je voulais juste que tu saches que… Les seuls comptes que je dois rendre, c’est une fois tous les 15 jours à Weaver depuis peu en tant que thérapeute. Rien est perdu, tu peux encore reprendre ton poste comme si de rien était… Je crois moins en la réhabilitation de Maggie qu’en la tienne !

Quand il posa sa main sur la mienne, l’effet fut immédiat, j’ai sursauté de toute ma hauteur sur la chaise, comme si je venais de me prendre une sacrée châtaigne. Non, je le savais, il ne me virait pas de sa vie, mais juste reprendre seul sa route pour l’instant. J’étais parfaitement au courant que ce que je lui demandais il ne pourrait pas me le donner, peut-être qu’il ne pourrait jamais me le donner. Je n’espérais plus cela d’un homme depuis… Oh peu importe ! Personne ne voudrait d’une femme sur laquelle plusieurs hommes sont passés sans permission… Personne ne voudrait d’une femme qui serait capable de devenir une véritable mante religieuse si je venais à reperdre pied dans la réalité. Alors pourquoi lui ? Outre le fait que je m’identifie à lui il y a quelques temps… Je termine mon petit déjeuner en silence…